Le prix d’une pièce artisanale : regard de céramiste et artisanat d’art
- Lucie Eleme
- 4 août
- 4 min de lecture
Je suis céramiste à Paris, dans le quartier de Ménilmontant. Je tourne, j’émaille, je cuis, je recycle la terre, je nettoie les outils, je recommence. Et parfois, on me demande : « Pourquoi cette tasse coûte-t-elle 45 € ? »
Alors je vous réponds. Non pas pour me justifier, mais pour partager ce que contient réellement le prix d’une pièce artisanale — et pourquoi cette réflexion dépasse largement la céramique. Cela vaut pour tout l’artisanat d’art : c’est une économie à part entière, avec ses réalités, ses contraintes, ses engagements.

Le vrai coût d’une pièce artisanale
Quand vous achetez une pièce artisanale, vous ne payez pas seulement un objet. Vous payez du temps, de la matière, de la technique, de l’attention et beaucoup d’invisible.
🕰️ Le temps
Prenons une tasse en grès. Une fois le tournage terminé, ce n’est que le début. Il faut :
Laisser sécher (24 à 48 h)
Tournasser (affiner la forme)
Cuire une première fois (cuisson "biscuit")
Émailler à la main
Cuire à nouveau à 1280 °C
À cela s’ajoutent tous les gestes préparatoires : recycler la terre, filtrer les émaux, nettoyer les outils, étiqueter, emballer les pièces… sans compter les ratés.
⏳ En moyenne, on estime à 2 à 5 heures de travail effectif pour une pièce utilitaire vendable, selon sa forme, sa taille, ses détails...
🧾 Les frais fixes
Et ce n’est que la partie visible. À cela s’ajoutent :
Le loyer de l’atelier (dans mon cas, à Paris)
Le coût de l’électricité (cuissons très énergivores)
Les matériaux (argile, émaux, outils)
L’entretien du four, du tour, des équipements
Les assurances, la comptabilité, les charges
📦 Et n’oublions pas le temps avec les clients : accueil, conseils, mails, emballage, dépôt, marchés… Cela fait partie intégrante du travail artisanal, mais n’est jamais facturé directement.
Ce coût global est souvent invisible pour l’acheteur. Mais c’est ce qui permet à l’artisan·e d’exister.
Artisanat d’art : quelques repères
Contrairement à l’artisanat classique (plomberie, bâtiment…), l’artisanat d’art regroupe les métiers qui créent des objets artistiques, esthétiques ou sensibles. En France :
On dénombre environ 22 000 artisan·es d’art (source : INMA 2024)
Plus de 150 000 emplois en dépendent, souvent précaires
1 pièce sur 3 n’est pas vendue dans l’année de sa création
La majorité des créateurs consacrent 50 à 70 % de leur temps à autre chose que la production (communication, administratif, gestion)

🔍 Ce que disent les chiffres : une réalité partagée par les artisan·es d’art
Ces coûts ne sont pas anecdotiques, surtout quand on les replace dans le contexte de l’artisanat d’art. Car au-delà du façonnage, il y a une réalité bien plus large : le rythme de travail intense que connaissent de nombreux artisan·es qui, comme moi, créent de leurs mains.
D’après plusieurs études de l’Insee et de l’Observatoire de l’Artisanat d’Art :
Un·e artisan·e d’art travaille en moyenne entre 42 et 45 heures par semaine.
64 % d’entre nous travaillent au moins un jour le week-end, souvent pour rattraper les tâches de gestion, finaliser des commandes ou préparer des salons.
En période de création ou de forte activité (fêtes, expos, marchés…), le temps de travail hebdomadaire dépasse fréquemment les 50 à 60 heures.
Une grande partie de ce temps est non facturable : communication, devis, échanges clients, nettoyage de l’atelier, création de contenu, administratif…
Et cela, bien sûr, sans congés payés ni sécurité salariale.
C’est aussi ça, le prix d’une pièce artisanale : le reflet d’un métier-vie, d’un engagement qui déborde largement des horaires de bureau. Acheter une pièce, c’est aussi reconnaître cette réalité et soutenir une manière de travailler plus humaine, plus ancrée, plus exigeante.
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On compare souvent une pièce faite main à son équivalent chez Zara Home, IKEA ou H&M Home. Visuellement, parfois, ça se ressemble. Mais la comparaison s’arrête là.
Une tasse vendue 3 € chez une grande enseigne est :
Produite à la chaîne, souvent à l’autre bout du monde
Sans transparence sur les conditions de travail
Standardisée, sans aucune variation
Conçue pour le volume, pas pour durer
Jetable à terme (qualité moindre, défauts de cuisson, faïence fine)
À l’inverse, une pièce artisanale est conçue pour durer, se patiner, vous accompagner. Elle a été pensée, testée, améliorée. Elle est née du geste humain. Et elle a une âme.
Acheter artisanal, ce n’est pas consommer. C’est choisir un objet qui fait sens, un objet qui raconte une histoire, un objet qui vous ressemble.
Rendre le fait-main plus accessible : ma collection « Les Papilles Rôties »

Je suis consciente que ces réalités limitent parfois l’accès à la céramique artisanale. C’est pourquoi j’ai imaginé « Les Papilles Rôties », une collection joyeuse, fonctionnelle, et surtout accessible.
Comment ?
🎯 En simplifiant les formes
🎯 En limitant les étapes (moins de tournassage, émaillage optimisé)
🎯 En réduisant les pertes (petites séries pensées avec soin)
Cette démarche me permet de proposer des pièces à partir de 17€, sans rogner sur la qualité ni le sens. C’est ma façon de concilier artisanat d’art et accessibilité.
En résumé : ce que vous payez
✔️ Le temps de fabrication
✔️ Les charges de production (énergie, matériaux, outils)
✔️ Le savoir-faire humain, non automatisable
✔️ Le lien direct avec un·e créateur·rice local·e
✔️ Une pièce unique, pensée pour durer
🎯 Et si vous veniez essayer ?
Vous aimeriez comprendre tout cela par l’expérience ?
Je propose des cours de poterie et céramique à Paris Ménilmontant, en formule 5 séances ou au trimestre, mais aussi des initiations et des cours particuliers. On y découvre les étapes, les gestes, les contraintes… mais aussi la joie de créer quelque chose de ses mains.
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📍 Cours poterie/céramique Paris Ménilmontant – Atelier Lucie Eleme
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